lundi 6 août 2012

d'après un poème de Boris Vian, Je veux une vie en forme d'arête.







Je veux une vie en forme d'arête

Sur une assiette bleue

Je veux une vie en forme de chose

Au fond d'un machin tout seul

Je veux une vie en forme de sable dans des mains

En forme de pain vert ou de cruche

En forme de savate molle

En forme de faridondaine

De ramoneur ou de lilas

De terre pleine de cailloux

De coiffeur sauvage ou d'édredon fou

Je veux une vie en forme de toi

Et je l'ai, mais ça ne me suffit pas encore

Je ne suis jamais content




vendredi 4 mai 2012

d'après une chanson de Serge Gainsbourg, La noyée.

Tu t'en vas à la dérive
Sur la rivière du souvenir
Et moi, courant sur la rive,
Je te crie de revenir
Mais, lentement, tu t'éloignes
Et dans ma course éperdue,
Peu à peu, je te regagne
Un peu de terrain perdu.

De temps en temps, tu t'enfonces
Dans le liquide mouvant
Ou bien, frôlant quelques ronces,
Tu hésites et tu m'attends
En te cachant la figure
Dans ta robe retroussée,
De peur que ne te défigurent
Et la honte et les regrets.

Tu n'es plus qu'une pauvre épave,
Chienne crevée au fil de l'eau
Mais je reste ton esclave
Et plonge dans le ruisseau
Quand le souvenir s'arrête
Et l'océan de l'oubli,
Brisant nos cœurs et nos têtes,
A jamais, nous réunit.

vendredi 13 janvier 2012

d'après un poème Louis Amade, La fleur qui parle.




j'ai découvert la fleur qui parle
dans un grand champ de romarin
pas très loin de la route d'Arles.
Il était très tôt le matin.

Une pierre preque violette
la soutenait comme un écrin,
elle perdait un peu la tête
et moi aussi, je le crois bien.

Elle m'a dit de jolies choses
et des mots tellement petits
que passereaux et passe-roses
étaient comme des ombellies.

Elle m'a dit l'une après l'une
les paroles d'Evangélie
et les serments de Pierrelune
aux blancs rendez-vous d'Arcadie.

Les arcs-en-ciel d'offrefontaine,
les misériers engoulevents
les martins-pêcheurs des fontaines
faisaient partie de son plain-chant.

Elle m'a dit battre frontière,
l'opale pâle d'Amélie,
les épineuses ombrières,
les grenats grenats d'Alvoisie.


Alors j'avais tant de vacances
à écouter parler ma fleur
que mon silence de silence
peut-être un instant lui fit peur.

Et j'ai perdu la fleur qui parle
dans le grand champ de romarin
pas très loin de la route d'Arles
un peu de terre dans mes mains.
 








mardi 10 janvier 2012

d'après une nouvelle d' Albert Camus, Nocesà Tipasa

Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le droit d’aimer sans mesure. Il n’y a qu’un seul amour dans ce monde.
 Etreindre un corps de femme, c’est aussi retenir contre soi cette joie étrange qui descend du ciel  vers la mer.
 Tout à l’heure, quand je me jetterai dans les absinthes pour me faire entrer leur parfum dans le corps,
 j’aurai conscience, contre tous les préjugés, d’accomplir une vérité qui est celle du soleil et sera aussi celle 
de ma mort. Dans un sens, c’est bien ma vie que je joue ici, une vie à goût de pierre chaude, pleine de soupirs
 de la mer et des cigales qui commencent à chanter maintenant. La brise est fraîche et le ciel est bleu.
 J’aime cette vie avec abandon et veux en parler  avec liberté : elle me donne l’orgueil de ma condition d’homme.
 Pourtant, on me l’a souvent dit : il n’y a pas de quoi être fier. Si, il y a de quoi : ce soleil, cette mer, mon cœur 
bondissant de jeunesse, mon corps au goût de sel et l’immense décor où la tendresse et la gloire se rencontrent
 dans le jaune et le bleu. C’est à conquérir cela qu’il me faut appliquer ma force et mes ressources.
 Tout ici me laisse intact, je n’abandonne rien de moi-même, je ne revêts aucun masque ; il me suffit d’apprendre
 patiemment la difficile science de vivre qui vaut bien tous leurs savoir-vivre.
Un peu avant midi, nous revenions par les ruines vers un petit café au bord du port…..
Jamais je ne restais plus d’une journée à Tipasa. Il vient toujours un moment où l’on a trop vu un paysage, 
de même qu’il faut longtemps avant  qu’on l’ait assez vu. Les montages, le ciel, la mer sont comme des visages 
dont on découvre l’aridité ou la splendeur, à force de regarder au lieu de voir. Mais tout visage, pour être éloquent,
 doit subir un certain renouvellement.
Et l’on se plaint d’être trop rapidement lassé quand  il faudrait admirer que le monde nous paraisse nouveau
 pour avoir été seulement  oublié. 



jeudi 24 novembre 2011

d'après un poème de Roland Dauxois, Vox III

La voix
de travers
traverse
la voie
verse
en pente
en douce voix
pente
pantelante
voix île
voix honnie
au nid
des cils
où oscille
au front
au frontispice
du temps
du temple
la voix pliée
fuite buccale
du cal
du calice
la voix étale
voix des étals
des étalements de graisses
et de nerfs
tout en poings
en poinçons,
en sons,
si serrés
la voix chance
chancelante
la voix haut perchée
sur branche
la voix blanche
comme marbre
au soleil
la voix trace
en travers
de la voix
la voix de travers
la voix traversée
solide
si solidifiée
en douce
déroute
en route vers
la douce voix blanche
la douce voix retroussée
trachée ouverte
perdre la voix
pour perdrix
voix volée
prendre la voie
des airs
perdre un désert
pour un voix
libre
enfin libérée
voix haute de gorge
et de vallée
la rendre à la voix
double
dédoublée
emballée
dans la voix du sang
voix du centre
voix multipliée
voix tronc
et la voix
d'être ainsi tronquée
rit
la voix tronc
dit
blanche
et ne dit plus un seul mot
ne dit plus lin 
ou linceul
ne dit plus drap blanc
blanchi 
mais dit
dynamitée
pour la voix
c'est dit ! 

mardi 1 novembre 2011

d'après un poème de Anise Koltz





Tu descends le chemin de mon sang 
comme un caravanier la route de la soie
lorsque tu tomberas de mes hanches
mille ans auront passé.

J'aime l'homme 
au dos vaste comme une steppe
dans les profondeurs de sa terre
j'écoute 
le bruit du troupeau de buffles
qui le traverse.